SUZE-LA-ROUSSE



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



SUZE-LA-ROUSSE



SUZE-LA-ROUSSE (Seusa). - Placée sur la route du Pont-Saint-Esprit aux Alpes, cette commune est distante de Nyons de 30 kilomètres, de Montélimar de 34, et de Valence de 78. Sa population est de 1,668 individus. Son territoire est fort étendu. Légèrement montueux du côté du nord, il forme une plaine sur tous les autres points. Le village est dans une situation fort agréable, sur la rive gauche du Lez, qui en baigne les murs. Il existe à la porte du sud-est une halle ou place couverte, et à l'extérieur une grande et belle promenade. Il y a des fabriques de soie, des fours à chaux, des tuileries et deux foires par an.
Suze est dominé par un château d'une architecture gothique, flanqué de tours, avec des fossés. A l'est est un mamelon couvert de bois qui lui sert de parc. L'entrée du château est en face d'un ancien jeu de paume, construit, dit-on, sous le règne de Charles IX, qui passa à Suze lors de son voyage d'Avignon avec Catherine de Médicis, au mois de septembre 1563. Ce château fut respecté pendant les troubles civils, soit par sa position, soit parce qu'il était défendu par François de la Baume, un des meilleurs officiers du XVIme siècle. Ce seigneur reçut un coup d'arquebuse au siége de Montélimar, en 1587, et alla mourir à Suze. On rapporte qu'en s'en retournant, il répétait souvent en parlant à sa jument : Allons, la grise, mourir à Suze. On lit ces paroles au bas d'un tableau représentant ce guerrier blessé, placé par ses écuyers dans une litière.
Les hameaux de Saint-Bac et de Saint-Torquat dépendent de cette commune. Le premier, qui est situé à l'ouest, en fut le chef-lieu jusqu'au commencement du XIIIme siècle, où le siége de la municipalité fut transféré à Suze, à la suite de violences exercées contre les habitans par des vagabonds armés connus alors sous les noms d'aventuriers et de routiers.
Saint-Torquat tire son nom d'une chapelle qui y fut fondée, on ne sait à quelle époque, en l'honneur de Saint Torquat, quatrième évêque de Saint-Paul, qui a exercé l'épiscopat de 338 à 372. Il existe encore dans ce hameau une fort belle église d'un goût gothique, sous l'invocation de Saint Torquat.
On voit au quartier de l'Estagnol un étang d'une assez grande étendue. On y voit aussi les ruines d'un monastère de Templiers. Si l'on en croit la tradition, lors de la destruction de l'ordre, un des religieux y resta caché, et porta long temps, par ses apparitions nocturnes, l'effroi dans les environs ; elle ajoute qu'un particulier de Suze, nommé André, qui osa l'arrêter, en fut généreusement récompensé.
En 1751, le comte de Suze fit fouiller dans les ruines du monastère, où l'on disait enfouis une chèvre et un chevreau d'or massif, restes, prétendait-on, du crime d'idolâtrie imputé aux Templiers ; mais le résultat de ces fouilles fut un crucifix et quelques pièces de monnaie.
C'est ce récit, contenu déjà dans ma première édition, et ce qui est dit de la princesse lépreuse du nom d'Hélène, à l'article de Lachamp, qui a inspiré à M. de Marchangy l'épisode si remarquable et si plein d'intérêt qu'on lit dans Tristan-le-Voyageur, tome VI, chap. LXXXIX et XC, page 10 et suivantes.
Suze est la patrie de Louis-François Delisle de la Drevetière, mort en 1756. Il travailla pour le théâtre italien à Paris, et y fit représenter successivement un grand nombre de comédies, parmi lesquelles on doit distinguer Arlequin sauvage et Timon le misanthrope. Plusieurs de ces pièces et quelques poésies fugitives du même auteur ont été recueillies et publiées à Paris, in-12. On a encore de Delisle un poème intitulé : Essai sur l'Amour-propre, ibid., 1738, in-8°. Il avait donné en 1732 et 1738 une tragédie de Danaüs et une comédie des Caprices du coeur et de l'esprit, qui n'eurent aucun succès.
M. Bignan (Anne), né à Lyon en 1795, et dont le nom rappelle de nombreux et brillans succès académiques, appartient aussi par ses pères à Suze, où il a passé lui-même la plus grande partie de sa jeunesse. Il est auteur 1° d'un recueil de poésies publié en 1827, renfermant des pièces très remarquables sur l'Italie, Venise, Pompeïa, le Lac-Majeur, le Colysée, etc. ; 2° d'une première édition de la traduction de l'Iliade en vers français, précédée d'un Essai sur l'Épopée homérique ; 3° d'une seconde édition du même ouvrage entièrement revue et corrigée, 1834 ; 4° de l'Hermite des Alpes, nouvelle, 1829 ; 5° du roman intitulé : l'Échafaud, 1831 ; 6° d'un autre roman ayant pour titre : Une Fantaisie de Louis XIV, 2 vol., 1832, etc. Il a obtenu l'accessit du prix de poésie au concours ouvert par l'académie française en 1829, et dont le sujet était l'Invention de l'Imprimerie. En 1831, il a remporté, à un autre concours ouvert par la même académie, le prix dont le sujet était la Gloire littéraire de la France. Précédemment et jeune encore, il avait été couronné par les académies de Toulouse, Avignon, Lyon et Cambrai. Il est maître ès-arts des jeux floraux, membre de la société philotechnique de Paris et des académies de Cambrai et de Lyon.

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